(Montel) EDF a révélé jeudi qu'elle arrêtera les réacteurs de 1,3 GW Paluel 2, Penly 2 St Alban 2 et Cattenom 1 l'an prochain, alors qu'aucun arrêt n'était prévu jusque là, pour vérifier si leurs tuyauteries auxiliaires au circuit primaire sont touchées par de la corrosion.
Les dates de ces arrêts, qui surviendront au deuxième trimestre 2023, doivent être publiées imminemment sur Remit, a déclaré le directeur adjoint de la direction production nucléaire d’EDF Régis Clément lors d’une conférence de presse à Paris.
Le groupe français entend vérifier le reste de ces 56 réacteurs d’ici fin 2023, voire début 2024, durant les arrêts planifiés qui seront prolongés et les visites décennales, dont sept sont programmées pour le reste de cette année, a-t-il ajouté.
Plus tôt jeudi, EDF a révisé jeudi les dates de treize arrêts prévus dans les centrales nucléaires en 2022-23 en raison de contrôles et des réparations liés à la corrosion.
Problème de design
M. Clément a par ailleurs affirmé que la cause « prépondérante » de fissures dues à de la corrosion sur les tuyauteries auxiliaires au circuit primaire de certains réacteurs du parc nucléaire était le design de ces circuits, développé par la filiale d’EDF Framatome.
« Aujourd’hui ce qu’on a comme conviction claire, c’est que le design [des circuits auxiliaires] nous apparaît comme une cause prépondérante », a-t-il dit.
Et « la configuration des lignes d’un circuit d’injection de sécurité (RIS) sur un palier N4 (1,5 GW), 1 300 MW ou 900 MW est complétement différente », a-t-il ajouté.
Les lignes des circuits de 900 MW – conçues par le fabricant d’équipements nucléaires américain Westinghouse – sont par exemple « plus courtes », donc beaucoup moins affectées par les problèmes de corrosion sous contrainte (CSC), a expliqué le responsable de la production.
Au contraire, celles de paliers 1 300 MW et N4 – dont le design a été effectué par l’entreprise française spécialisée dans le nucléaire Framatome – sont plus touchées, car plus « plus longues ».
« Plus le circuit est long, plus ce phénomène [de contrainte sur la tuyauterie] s’amplifie », a précisé M. Clément. Il est dû au fait que l’eau du circuit primaire, plus chaude, pénètre dans le circuit RIS et ce mélange à son eau plus froide, ce qui engendre des contraintes et, au final, de la corrosion.
Jusqu’à maintenant, « aucune trace de corrosion n’a ainsi été retrouvée sur les circuits RIS » des 900 MW, des circuits importants en termes de sûreté, a-t-il affirmé. Il a toutefois confirmé que les ingénieurs d’EDF avaient retrouvé de la corrosion sur le circuit de refroidissement à l’arrêt RRA d’une de ces tranches, Chinon 3, comme une source syndicale l'avait signalé.
Cette découverte porte à quatre les unités du parc pour lesquels de la corrosion a été clairement identifiée sur un total de douze réacteurs subissant des contrôles actuellement, selon le responsable.
Interrogé par Montel, l'expert et critique du nucléaire Yves Marignac a de son côté estimé que s'il était plausible que les tranches de 900 MW soit moins affectées par de la corrosion, il était « très prématuré » de tirer des conclusions car de nombreux contrôles restent à venir.
Selon lui, les problèmes de design « interrogent sur le fait que l’ingénierie française n’ait pas repéré ces éléments lors de la qualification » des matériels.
Les portions de tuyaux où de la corrosion a été détectée devant être remplacées, EDF a récemment transmis son dossier de réparation à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) qui doit se prononcer dans les prochaines semaines.
« On aimerait disposer de ce feu vert (…) courant du mois de juin ou fin juin au plus tard », a dit M. Clément.
L’électricien, qui a revu son objectif nucléaire pour cette année à son niveau le plus bas depuis 34 ans, à 280-300 TWh, estime néanmoins que sa stratégie de vérification durant les arrêts planifiés « permet de garantir l’exigence de sûreté du parc nucléaire ».