(Montel) Aucun lien n’a été trouvé à ce jour entre d’éventuels problèmes de conception de la cuve des EPR d’EDF et les défauts d’étanchéité des crayons de combustible qui ont conduit à l’arrêt de l’unité Taishan 1 (1,8 GW) en Chine l’été dernier, a déclaré l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) mercredi.
Des « fluctuations du flux neutronique » ont été constatées dans le cœur du réacteur pressurisé européen (EPR) de Taishan, qui sont dues au flux hydraulique dans le fond de la cuve, a dit à Montel Karine Herviou, directrice générale adjointe, chargée du pôle sûreté nucléaire à l’IRSN, le bras technique de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN).
Toutefois, « nous n’avons pas d’élément aujourd’hui nous conduisant à penser que les phénomènes hydrauliques ont un rôle dans le percement des gaines » des crayons combustible, a-t-elle ajouté.
Les investigations sont cependant « toujours en cours » et ces deux problèmes feront l’objet d’expertises de l’IRSN dans le cadre de l’autorisation de mise en service de l’EPR de Flamanville, prévue désormais à la fin 2023, a précisé l’experte.
Fin 2021, la Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité (CRIIARD) s’était interrogée sur un lien potentiel entre les défauts d’étanchéité des crayons de combustible repérés à Taishan 1 et un possible défaut de conception de la cuve de l’EPR, un lanceur d’alerte lui ayant fourni des informations allant dans ce sens.
Selon cette source, le flux hydraulique circulant dans le bas de la cuve de l’EPR, mal réparti et causant des vibrations, avait affecté les assemblages de combustible.
Pour sa part, Mme Herviou met en avant « une usure mécanique au niveau des grilles métalliques assurant normalement le maintien des crayons [combustible] », qui a conduit au percement des gaines sur un certain nombre d’entre eux.
EDF entend résoudre ce problème au moyen d’un traitement thermique pour renforcer les grilles métalliques contenant les crayons combustible de ces EPR, dont celui de Flamanville (1,6 GW), a-t-elle dit.
L’électricien public doit transmettre ce mois-ci un rapport à l’ASN sur les solutions envisagées pour éviter les défauts d’étanchéité de crayons combustible sur ses réacteurs pressurisés européens (EPR). Contactée par Montel, l’entreprise n’était pas immédiatement disponible pour commenter.
« Causes pas claires »
Aux yeux de Bruno Chareyron, directeur de la CRIIRAD, la solution envisagée par EDF ne s’attaque pas « aux causes du problème ».
« Si des vibrations existent [dans la cuve], on peut se demander s’il est suffisant de renforcer les grilles et les ressorts maintenant les crayons de combustible. On ne sait par exemple pas si EDF dispose de tous les éléments de retour [d’expérience de l’EPR de] Taishan pour bien analyser les conséquences pour [l’EPR] de Flamanville », a-t-il noté.
En outre, « est-ce qu’EDF devra renvoyer le combustible déjà entreposé sur le site de Flamanville à l’usine pour que les grilles soient renforcées ? Quels seront les coûts et les délais ? », s’interroge l’ingénieur en physique nucléaire.
Le mois dernier, EDF a repoussé le démarrage de l’EPR de six mois en raison notamment d’un retard dans la réparation de soudures défectueuses.
Fond de cuve
M. Chareyron a également regretté un manque d’anticipation de la part d'EDF quant aux problèmes de conception de la cuve de l’EPR puisque, selon le lanceur d’alerte, les essais sur maquette effectuées par l’entreprise à la fin des années 2000 n’ont pas été satisfaisants.
Ainsi, EDF a positionné un répartiteur de débit dans le fond de la cuve de chacun de ses EPR, à l’entrée du cœur du réacteur, afin de répartir le flux hydraulique dans la cuve. Ce répartiteur a « des conséquences sur l’exploitation du réacteur », signale Karine Herviou, sans donner plus de détails.
« Ce dispositif peut être modifié ou remplacé. Il appartient à EDF de le confirmer », a-t-elle souligné.